Synthèse de « les processus d’innovation », P. Le Masson, B. Weil, A. Hatchuel, Lavoiser-Hermés éd., Paris, 2006, 471 p.
L’innovation est liée à la compétitivité, elle est un mode fondamental et durable de création de valeur. L’innovation dans une entreprise doit donc être permanente : c’est même un état d’esprit, tant dans l’innovation de nouveaux produits que dans l’amélioration des produits existants (dominant design).
L’innovation passe par la conception : on ne peut innover sans concevoir. En d’autres termes la conception innovante fait partie du processus d’innovation. Ce dernier renvoie à l’organisation de l’entreprise qui doit être tournée vers cet objectif. L’innovation peut et doit se gérer pour en maîtriser les risques, il ne suffit pas d’avoir de bonnes idées. L’innovation est faite de « 1% d’inspiration et de 99% de transpiration » (propos prêtés à Edison).
Les bonnes pratiques de l’innovation sont donc :
Conception participative et innovante,
Evaluation permanente,
Organisation du travail et de l’entreprise tournée vers l’innovation.
1. Identité des objets
L’innovation déstabilise l’identité des objets qui devient versatile dans ses fonctions, ses usages, etc. On constate que :
Le renouvellement des produits est permanent au sein d’un dominant design,
Les produits sont nouveaux et n’entrent pas toujours dans un dominant design,
Leur diffusion est rapide.
Il en résulte que l’identité des objets/produits n’est plus un départ stable de la conception. Il s’agit plutôt de partir de l’espace de valeurs (par exemple la sécurité du véhicule plutôt que le freinage).
2. Efficacité
Les dépenses consacrées à l’innovation sont croissantes sans produire tout le temps des effets spectaculaires. Il s’agit de maîtriser ces coûts dans un souci d’efficacité, en considérant qu’une innovation n’est pas une expérimentation mais un processus qui s’insère dans une action collective dont les dimensions sont :
L’activité et le raisonnement des acteurs,
Le substrat technique (techniques et outils, moyens),
La logique de performance et les critères d’évaluation,
Les formes d’organisation de la conception participative.
Les modèles de gestion de l’innovation les plus répandus sont :
Le modèle du laissez-faire, laisser émerger les idées dans une communauté de pratiques. L’innovation relève d’un processus externe au modèle d’action lui-même. Elle échappe à l’entreprise, devient aléatoire et incertaine. La réussite n’est pas maîtrisée.
Le modèle de la boîte noire : agir sur le processus d’innovation comme sur une boîte noire, c’est-à-dire sans décrire le processus lui-même, par des incitations à l’entrée ou des récompenses à la sortie. Les coûts ne peuvent être maîtrisés dans cette méthode, car il n’y a aucun déterminisme.
Le modèle du pari : tenter un « coup », croire à un mythe, suivre des discours dominants, etc. Le risque est ici l’érosion rapide et le non renouvellement ; Ce modèle de l’innovation ponctuelle est une rupture souvent douloureuse dans l’entreprise, car elle crée un projet singulier. Le pari repose sur le fait qu’une « killer application » remboursera tous les efforts précédents de l’entreprise.
Le modèle de l’innovation planifiée : par amélioration continue des produits ou changement de gamme. L’évolution est d’ordre paramétrique. La performance est mesurée en terme de progression incrémentale.
Aucun de ces modèles ne permet de faire de l’innovation intensive.
3. Qu’est-ce que l’innovation ? Comment la gérer ? L’innovation est un jugement porté sur un objet existant. Un produit ou un service est qualifié d’innovant par des experts du domaine ou par des consommateurs. Conséquence : in objet devient innovant dès qu’il est conçu et non a priori. La notion d’innovation est une notion a posteriori. Ce n’est donc pas l’effet d’un heureux hasard, puisqu’il y a eu un processus préalable. C’est ce processus qu’il s’agit de gérer au mieux.
Postulats d’une bonne gestion :
L’innovation doit être répétée (voire continue), se baser sur un modèle d’activité et non sur le modèle des produits/services,
Elle doit être le fruit d’une action collective, et non de « coups » répétés,
Elle doit mobiliser de bonnes capacités d’innovation (plutôt que de bonnes ressources par exemple) sans se fonder sur des « métiers » ni des « performances »,
Elle doit s’intéresser aux formes de changement et/ou de transition, et prendre en compte l’ensemble du monde socioéconomique de son domaine.
L’activité de conception est au centre de la capacité d’innovation. Une firme qui se veut innovante se doit de gérer ses capacités d’innovation et donc ses activités de conception.
La conception est une activité consciente individuelle et collective, c’est-à-dire organisée. En ce sens la conception peut être un objet de gestion, se gérer comme un projet. L’architecte procède par connaissances antérieures, raisonnement et expansion. Pour l’artiste il s’agit de création, qui est une forme d’expansion inachevée (le spectateur clôt cette création). L’ingénieur opère comme un architecte, auquel il ajoute la modélisation ou la simulation. L’ingénieur invente plus qu’il ne crée. Il réorganise ses savoirs et les combine.
Ce qui est nouveau dans le métier des ingénieurs concepteurs : la conception de l’identité des objets. C’est pourquoi ils doivent faire appel à d’autres disciplines, les SHS par exemple. Ainsi la conception innovante ne peut qu’être participative.
4. Conclusion La conception participative est un des leviers essentiels de l’innovation et partant de la compétitivité des entreprises.